Blog perso pour se faire plaisir et communiquer avec les amis qui sont loin, et tous les autres : visites, impressions, découvertes...
Les humeurs quotidiennes ont été reléguées sur Facebook. J'ai dû désactiver les commentaires à cause des spams, désolé.


Affichage des articles dont le libellé est russie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est russie. Afficher tous les articles

dimanche 22 janvier 2023

Lieux singuliers (13) : L'ermitage orthodoxe russe de Tous-les-Saints-de-Russie, Saint Hilaire le Grand



Ce petit morceau de Russie au beau milieu de la plaine agricole en Champagne a beaucoup de choses à raconter sur la grande histoire et ses replis.

L'ermitage orthodoxe russe de Tous-les-Saints-de-Russie à Saint Hilaire le Grand surveille et conserve la mémoire des sépultures de 916 hommes dont l'histoire n'est pas banale. Nés sous l'Empire russe, ils sont morts soviétiques sans être revenus en Russie.

Ils faisaient tous partie du Corps expéditionnaire russe en France dont les 45 000 soldats avaient été échangés en 1916 contre de l'armement français au terme d'une négociation peu reluisante entre le Tsar Nicolas II et le sénateur Paul Doumer, futur président de la République. L'histoire retiendra que 450 000 fusils ont été donnés en échange. 1 pour 10.

C'est que la France avait besoin de tant de vies à sacrifier devant les vies allemandes. Quelle époque, où les vies comptaient si peu pour les généraux.

Arrivés via Arkhangelsk ou par Vladivostok (!), ces hommes ont été jetés dans la tourmente de la Grande Guerre, sous leur drapeau à l'aigle à double tête - l'une tournée vers l'Asie, l'autre vers l'Europe, mais avec l'équipement français. 

Une moitié des effectifs fut directement dirigée vers Salonique, où l'on combattait contre l'Empire Ottoman. L'autre est arrivée en France par Marseille et Brest, puis affectée au front de Champagne début 1917 pour se faire massacrer, comme tous les autres, quelque part entre le Nord de Reims et le Chemin des Dames.

A titre d'illustration sinistre, en avril 1917, lors de l’offensive « Nivelle »,  6 000 soldats russes sont tués aux côtés de 270 000 soldats français.

Mais même avec retard, ces soldats apprennent  que la révolution bolchévique est en route, le Tsar abdiquant le 15 mars. Cette guerre n'est plus la leur, d'autant qu'une grande partie d'entre eux sont communistes. Qu'en faire ?

16 000 soldats, 300 officiers et leurs 1 700 chevaux furent au final regroupés dans un camp en Creuse, le Camp de La Courtine, tant on craignait la contagion révolutionnaire. Le premier camp militaire français autogéré par un Soviet !

Evidemment, l'Etat Major et les Russes restés fidèles à la Russie impériale ne pouvaient pas laisser les choses en l'état. Le camp reçut 800 obus en trois jours, du 16 au 18 août 1917.

La répression de la mutinerie du Camp de la Courtine est une de ces pages noires de l'armée française - une de plus - qui déclara sans sourciller 9 morts chez les mutins. On est prié de la croire.

Le titre d'un documentaire de 1999dédié à cette histoire est très évocateur : 20 000 moujiks sans importance

Quelques arpents russes à Saint Hilaire le Grand. Mais il pèsent leur pesant de péripéties historiques.

La mutinerie des soldats russes sur le sol français en 1917 a ainsi écrit une de plus belles pages de l’histoire du pacifisme, de l’antimilitarisme et de l’internationalisme des peuples. La constitution en janvier 2014 de l’association « La Courtine 1917 », poursuit l’objectif de rendre à ces mutins l’hommage qu’ils méritent et de faire connaître et vivre leur grandiose épopée.

Jean-Paul Gady, Adhérent de l’association « La Courtine 1917 »

Les images de l'Ermitage


vendredi 2 décembre 2022

Les séries de l'automne : The Essex Serpent, The Undeclared War, Shetland

Nous sommes encore une fois totalement en anglais, mais de l'anglais de l'Angleterre... et de l'Ecosse : l'automne nous a permet d'apprécier trois séries britanniques. Voici qui confirme la grande qualité des séries d'outre-manche, héritées très probablement du talent séculaire du Royaume Uni en matière de scène théâtrale.

La mini-série The Essex Serpent - 6 épisodes d'environ 60 mn - évoque d'autres séries très réussies, très territorialisées, dans cadre rural ou semi-rural ; en tout cas hors des villes. 

On pense notamment à Smother ou Normal People (Irlande), Hinterland (Pays de Galles) ou encore Shetland, dont on parle un peu plus bas (Iles Shetland, Ecosse). Ces séries campent d'emblée leurs récits dans un cadre géographique précis, dont l'histoire et les paysages permettent de nourrir les intrigues et la caméra. Et c'est souvent réussi.

The Essex Serpent fait référence à de vieilles légendes, portant le propos jusqu'à la limite du fantastique... mais jamais franchie, grâce au personnage principal, scientifique amateur. 

Nous retrouvons avec un vrai plaisir Claire Danes, l'actrice américaine autour de laquelle la grande série Homeland  est construite, où elle s'identifie totalement avec le personnage de Carrie Mathison jusqu'ici dans l'esprit de l'amateur de cette série. 

The Essex Serpent se passe en revanche au début du XX°siècle - cela  permet heureusement de mieux situer Claire Danes dans un autre rôle. Et tant mieux pour elle :  pas facile de sortir d'un personnage comme celui de Carrie Mathison, succès de la série Homeland obligeant.

Deux autres mentions particulières en matière d'acteurs : d'une part Clémence Poésy, actrice française, qu'on retrouve dans un anglais parfait (et réel, elle  n'est manifestement pas doublée). C'est elle qui incarne Léonora dans les deux saisons d'En Thérapie. Mais Clémence Poésy est bien connue aussi dans le monde anglo-saxon : elle fut la sorcière française Fleur Delacour dans les films d'Harry Potter. De quoi se fait connaître.

D'autre part, on peut citer le très jeune américain Caspar Griffiths, qui joue le fils du principal personnage, et qui compose à l'occasion un rôle très attachant d'enfant sérieux, à l'image de sa dizaine d'années.

On retrouve dans The Essex Serpent les ingrédients des thrillers de ce type : réticence des autochtones, persistance des superstitions, rôle prépondérant de la religion... Et sur cet arrière-fond, un récit bien découpé se développe tout au long des 6 épisodes, tortueux comme le corps du mythique serpent de l'Essex.


The Undeclared War est une série toute récente, et son propos est d'une actualité incandescente : la cyberguerre.

Au moins l'ennemi est parfaitement désigné : la Russie. Etonnant, non ? Le pays attaqué est le Royaume Uni. Et celui-ci à des moyens pour se défendre. Quand on aime la géopolitique, l'informatique et les réseaux, on est aux anges..

Manifestement, la série puise directement dans l'activité réelle du Government Communications Headquarters (GCHQ), une des principales institutions gouvernementales du Royaume Uni traitant de renseignement. Autrement dit les grandes oreilles de Londres. 

On notera au passage que le GCHQ, actif dès la première guerre mondiale, n'a été reconnu officiellement qu'en 1983, à la faveur de la guerres des Malouines. Et c'était aussi le service dans lequel Alan Turing était actif lors de la deuxième guerre mondiale. Mais c'est une autre histoire.

La série a le mérite de mettre au grand jour les missions et les activités du GCHQ. De même, elle nous renseigne assez bien apparemment sur les pratiques et les méthodes de la guerre cybernétique. 

Elle montre par exemple dans le détail ce qu'est une usine à trolls, dont on ne pouvait pas imaginer l'existence il y a si peu.

Le contenu nous intéresse aussi quand la série touche aux relations particulières et ambivalentes entre le Royaume Uni et les Etats Unis, les deux Etats étant fortement liés en matière de renseignement.

Sur la forme, la série est de facture très classique, et les acteurs peuvent apparaitre un peu falots. 

Mais le choix était sans aucun doute de mettre en avant l'existence de cette guerre non déclarée. Passionnant au final. Et parfaitement crédible et même prophétique, après l'agression russe sur l'Ukraine. Cette série fait déjà partie du monde d'après.




Nous sommes, à nouveau, dans une triple excellence avec cette série produite par la BBC One.

Excellence des intrigues : nous sommes dans une série policière, cela compte, et il faut suivre car les auteurs se sont bien amusés à emmêler plusieurs fils narratifs. Mais quand on aime, on apprécie, car on peut quelquefois être déçu par certaines séries, à mesure que le spectateur de thriller gagne en compétence... et ce niveau moyen de compétence parait augmenter de manière indéfinie, compte tenu du nombre de séries produites et présentés au public !

Excellence des acteurs, dont l'accent écossais est à couper au couteau : nous sommes dans l'archipel des Shetland, qui fait partie de l'Ecosse. 

Et excellence des paysages déchiquetés de l'archipel des Shetland, bien exploités par la caméra. Nous sommes en plein océan, loin de tout entre Mer du Nord et Mer de Norvège. De quoi se dépayser.

Ces séries territoriales proposent chacune un microcosme à observer de manière quasi conviviale, et dont les particularismes touchent au final l'universalité. Ou, au moins, une certaine universalité. On aime, et on peut passer du temps sur les Shetland.

vendredi 18 février 2022

Soft Power : Radio Caprice


Traduction de la ligne en russe tout en bas : 
TOUS LES STYLES, GENRES, DESTINATIONS, COMPILATIONS

Un filon musical d'importance a été découvert récemment, et il fallait en parler sur le Blog, comme pour remercier de ces heures déjà passées à écouter de la musique sans publicité, sans interruption, dans des centaines de genres musicaux si on le veut, et avec une très bonne qualité technique.

Il s'agit de la plate-forme musicale russe Radio Caprice, totalement gratuite, facilement accessible via ordinateur ou via smartphone.

Merci au pays de Monsieur Poutine. 

Mais on ne peut pas ne pas penser que l'initiative fait partie du Soft Power de la nouvelle Russie. C'est ce même pays qui poste en ce moment 150 000 soldats à sa frontière ouest, alors qu'elle a déjà mangé une bonne partie de l'Ukraine. Le même pays aussi qui envoie des mercenaires au Sahel protéger la junte malienne et occuper la place que l'armée française va devoir laisser très bientôt. Le même encore qui déchaîne des armées de hackers et de trolls pour mettre à mal tous les systèmes informatiques qui se trouvent à son ouest.

Evidemment, Radio Caprice est une bien maigre contrepartie bienveillante. Chacun jugera selon son opinion de l'utiliser ou non. Mais elle existe.

A défaut, on peut toujours utiliser la plate-forme indépendante suisse 1.FM, mais qui propose hélas un peu de réclame : nous sommes là du bon côté du capitalisme.

Quelques extraits du catalogue somptueux des flux audio proposés sur Radio Caprice. Discothécaire, c'est un métier !

PS : Le soft power, ou « puissance douce », représente les critères non coercitifs de la puissance, généralement d'un État, et en particulier parmi ces critères l'influence culturelle (Définition proposée par Géoconfluences, site officiel de l'Ecole normale supérieure de Lyon)







mercredi 19 janvier 2022

Les séries de l'hiver (1) : American Rust, Mytho, Shtisel, Le serviteur du peuple

Cette première sélection de l'hiver est plutôt éclectique, puisqu'elle ne traite que d'une seule série US, à côté d'une série française, israélienne et ukrainienne, et qu'elles sont toutes différentes dans leur genre.

A propos d'American Rust, on ne peut pas penser à Mare of Easttown, citée au printemps 2021 : même ambiance, même type de narration, même genre (thriller), et même secteur géographique : la Pennsylvanie ouvrière, dont fait partie la ceinture de rouille, Belt Rust. La Belt Rust désigne cette énorme région industrielle autour des Grands Lacs, au nord-ouest des Etats Unis. On lui doit son énorme richesse, hélas passée. En effet, nous sommes très éloignés des Etats du soleil qui maintenant attirent tant de capitaux, laissant ailleurs le chômage, le déclin social et économique, les maux de la vie quotidienne.

On n'entrera pas dans les intrigues de la mini-série, à base de drogue cheap, de corruption miteuse et de vraie désespérance. Ce sont bien les personnages, tous tragiques, essayant de survivre dans un environnement si corrosif, qui fascinent. Et du coup, aussi, les magnifiques acteurs qui les incarnent.

C'est peut-être dans cette comédie humaine affligeante, totalement oubliée de la modernité, que l'on trouve peut-être une des clefs essentielles du trumpisme triomphant, qui prépare en ce moment ces futures victoires, réelles comme virtuelles.

C'est là aussi que l'on voit là le plus clairement l'empreinte cynique d'un capitalisme dévastateur, n'ayant laissé qu'un peu de rouille aux populations restées sur place par la force des choses.

American Rust se découpe en neuf épisodes et une deuxième saison n'est pas attendue.  La série est issue d'un roman signé Philipp Meyer, l’un des plus grands auteurs américains contemporains. Ceci peut sans aucun doute expliquer sa grande qualité et sa pertinence dans les Etats Unis d'aujourd'hui.

Mytho est une série produite par Arte pour deux saisons pour l'instant et ce fut un succès tant auprès du public qu'auprès des critiques. Il est largement mérité. 

La performance de l'actrice  Marina Hands et de l'auteur de la série est remarquable : en effet, il n'est pas facile d'intéresser à la vie de tout le monde en banlieue pavillonnaire, entre vie scolaire, vie conjugale et supermarché. 

Le personnage d'Elvira est la clef de voûte de la série : à la fois mère de famille un peu décalée, assaillie par le quotidien, épouse dépréciée et agent d'assurance pourtant plutôt douée mais exploitée. Dans les trois cas, rien ne va plus et tout craque. Les deux saisons détaillent le méga-pétage de plomb.

Marina Hands est sociétaire de la Comédie française : en l'occurrence, cela signifie quelque chose pour la série. Bravo.


Il n'est pas possible de trouver série plus israélienne que Shtisel, côté comédie. Car côté dramatique, on trouve Unorthodox, série dont il a été question en septembre dernier, et dont une actrice, personnage féminin principal dans les deux cas, est partagée entre les deux séries (Shira Haas)

L'ensemble des 33 épisodes, répartis sur trois saisons, tourne autour d'une famille juive ultra-orthodoxe de Jérusalem. 

L'objectif de la série semble être avant tout de rendre sympathique cette population tout à fait spécifique, que l'on trouve d'abord à Jerusalem, mais aussi à New York et dans quelques autres grandes villes européennes. On la reconnaît immédiatement : hommes en habits noirs, avec papillotes - à partir de l'âge de trois ans, tête toujours couverte, et femmes aux talons plats et aux cheveux cachés en totalité, soit par un bonnet ample, soit par une perruque. 

Mais ces caractéristiques ne sont qu'une infime partie visible des interdits et prescriptions religieuses qui règlent la vie entière de ces familles, et jusque dans les moindres détails.

Il est d'ailleurs étonnant que la série ne présente pas plus clairement l'ensemble des interdits en présence. Sans doute à dessein, car il est si rare dans les sociétés occidentales d'avoir affaire à une population aussi soumise en permanence à des rites millénaires que le spectateur moderne peu croyant pourrait évidemment en serait fortement incommodé.

S'agissant d'une comédie, les traits les plus risibles sont accentués : mariages arrangés - d'où des quiproquos, conflits entre générations, conflits entre vie moderne et observance religieuse... 

On sourit aussi facilement quand les personnages - pourtant pieux par définition - mentent effrontément en cherchant en permanence une bonne raison de le faire, évidemment compatible avec les prescriptions religieuses.

La "bulle" ultra-orthodoxe reconstituée par la série protège la narration des problèmes importants d'Israël, notamment l'occupation des territoires palestiniens et la coexistence problématique avec les autres communautés non juives.

On notera quand même au passage le traditionnel et paradoxal anti-sionisme viscéral des ultra-orthodoxes, de même que leur antipathie toute aussi foncière vis à vis des séfarades bien trop libéraux de mœurs - juifs originaires de la méditerranée, par opposition aux ashkénazes, originaires de l'Europe centrale. A chaque communauté ses détracteurs.

Les acteurs - tous excellents - sont israéliens, mais non ultra-orthodoxes évidemment. On retrouvera notamment Michael Aloni dans le personnage principal, un des acteurs les plus connus en Israël, dont le jeu est parfait, entre respect de la tradition et ouverture à la modernité, ce qui correspond d'ailleurs à sa filmographie extrêmement diversifiée.

Shtisel est une série singulière et intéressante, mais à la condition de ne pas oublier que les extrêmes de toute religion confinent vite à la violence, contre les individus et contre les communautés. 

Dans la vraie vie, on essayera par exemple de ne pas traverser en voiture les quartiers orthodoxes un jour du shabbat, sauf à retrouver une pierre sur son pare-brise.


Serviteur du peuple, série diffusée par une des principales chaînes ukrainiennes, est proposée en ce moment par Arte et elle présente une singularité exceptionnelle. 

Non pas pour sa forme, qui est plutôt traditionnelle, et même un peu répétitive au bout des 23 épisodes de la première saison, les autres saisons n'étant pas encore disponibles en France.

C'est que Volodymyr Zelensky, ci-devant acteur et humoriste, principal acteur de la série, est bien devenu entre temps le vrai Président de l'Ukraine en date du 20 mai 2019. Quelle affaire !

Encore mieux : le parti politique qui l'a propulsé à la tête de l'Ukraine a pris le même nom que la série : Слуга народу (Serviteur du peuple).

La première saison de la série raconte l'accession d'un modeste professeur d'histoire à la tête du pays, à la faveur de la corruption et de la médiocrité du personnel politique en place.

Dans la vraie vie,  Volodymyr Zelensky l’a emporté de manière inattendue face au chef de l'État sortant, Petro Porochenko, avec 73,2 % des voix au second tour. élu sur un programme anti-corruption, pro-européen, atlantiste et populiste, tout comme son alter ego fictionnel.

Qu'en penser, alors que la réalité est préfigurée par la fiction ? 

Faut-il considérer que la série, genre désormais et apparemment noble, est capable de prévoir l'avenir avec tant de justesse ? Ou faut-il considérer que la vie politique en Europe soit si avilie qu'un scénario de série puisse lui tenir lieu de programme politique dans la vraie vie ?

Dans les deux cas, l'affaire est un peu effrayante. D'autant qu'une partie du pays est déjà sous domination russe et que la menace armée est parfaitement crédible aux frontières. On ajoutera que la série a été interrompue en Russie après le troisième épisode, ce qui n'est pas anodin bien sûr.

Attention aussi à ceux qui s'intéressent à la politique de l'Europe de l'Est : une fois la série regardée, on est toujours un peu perplexe de voir l'humoriste ukrainien jouer le rôle de Président. J'espère que ses interlocuteurs internationaux, avant de lui parler, peuvent se défaire rapidement de cette représentation un peu risible, car la situation du pays ne l'est pas du tout.

lundi 8 novembre 2021

Les séries de l'automne : The Americans, Mrs America, Opération Roméo, Après

 

On s'était gardé cette série sous le coude pendant un bon moment, en se disant que l'actualité des grandes séries finira bien un jour. Ce moment est arrivé en octobre. Alors on est passé à l'assaut des six saisons de The Americans, diffusées entre 2013 et 2018 (75 épisodes d'une quarantaine de minutes)

On savait qu'il s'agissait d'espionnage et d'une série US, pas beaucoup plus, pour ménager un minimum de suspens.

Ce fut une bonne surprise. On pourrait pu tout aussi avoir été déçu : ce ne serait pas la première fois que l'on aurait survendu un produit médiocre dans cet univers industriel et artificiel des séries, compte tenu des sommes impressionnantes qu'ils faut investir dans ces divertissements éphémères.

Mais quelle belle série que The Americans ! Le titre nous prend à rebours : il s'agit plutôt de Russes,  ce couple américain, placé sous couverture par le KGB, ni vu ni connu : agents de voyage en journée, espions de l'URSS en soirée et surtout la nuit.

Les six saisons permettent de suivre leurs aventures selon l'évolution de la politique soviétique dans ses dernières années - la dernière saison s'achève juste avant la fin de l'URSS.

Miracle aussi des séries au long cours, on peut suivre l'évolution des deux enfants - qui, eux, sont bien à 100% américains. De quoi provoquer nombre de rebondissements, familiaux ou non.

Point important : la série a été créée par un ex-agent de la CIA ayant participé au démantèlement des réseaux de clandestins russes qui agissaient aux Etats unis jusqu'en 2010. C'est dire que le récit paraît bien crédible, et jusque dans les détails, malgré son apparence fantasque.

Oui, il existait de ces Américains, russes à l'origine, devenus américains par la grâce du KGB. La série s'inspire d'un couple soviétique ayant vécu 30 ans aux Etats Unis. Dans la vraie vie, leurs enfants ont même écrit un livre sur leurs parents.

Sur le fond, les motifs et les ressorts de la loyauté des principaux personnages peuvent intéresser. Qui plus est, le spectateur s'identifie à eux par la force des choses, qui mettent tant d'énergie à faire triompher leur patrie mourante - mais ils ne le savent pas.

On sait ce qu'il en restera quelques années après, mais il est piquant d'imaginer que les très nombreux spectateurs américains de la série - et elle a eu du succès - aient endossé la promotion des idéaux de l'URSS en s'identifier aux personnages principaux... Quel retournement de narration !

Enfin, les principaux acteurs - multirécompensés - sont excellents.

A ce titre, The Americans figure parmi les 100 meilleures séries depuis le début du siècle, selon le classement que vient de publier la BBC. Et en 8ème place, quand même.

Tout comme The Americans, on avait laissé de côté Mrs America et ses neuf épisodes. Compte tenu des louanges adressés à la mini-série, on se méfiait, même si Hulu, réseau de diffusion et Cate Blanchett, principal personnage, inspiraient confiance.

On se méfiait aussi de l'actualité américaine - la série a été visionnée pendant la campagne présidentielle des Etats Unis, au printemps 2020. Or, les questions posées par la série dans les années 70 faisaient écho directement à l'actualité trumpienne.

Il est question de deux conceptions totalement opposées du statut et du rôle de la femme. D'un côté, épouse et mère d'abord dans une conception plutôt républicaine - surtout dans les années 1970, de l'autre côté, une image portée par les mouvements de libération de la femme de l'époque.

La mini-série s'inspire directement de Phyllis Schlafly, femme politique américaine conservatrice, qui devient la figure de proue du mouvement antiféministe contre la ratification de l'Equal Rights Amendment (ERA), visant à inscrire l'égalité des droits entre les sexes dans la Constitution des États-Unis, et qui a suscité de vives réactions dans l'opinion.

Pour mémoire, l'ERA n'a toujours pas force de loi aux Etats Unis : il fallait 38 Etats pour le rendre constitutionnel et la Virginie - 38° Etat à le ratifier - est arrivée en 2020... Mais, entre temps, cinq Etats l'avaient révoqué.

C'est dire si Mrs America est encore dans l'actualité. 

Un des intérêts de la mini-série est qu'il endosse le point de vue des conservateurs/conservatrices, et qu'elle expose les arguments surannés correspondants. Et Mrs America se réfute elle-même : elle se bat pour une conception de la femme qu'elle n'incarne pas, puisqu'elle est femme politique... Drôle de paradoxe, mais intéressant.

Pour le spectateur de 2021, cela parait surréaliste. Et pourtant, rien n'est vraiment gagné. De quoi réfléchir sur l'inertie et l'irrationalité de l'histoire des mentalités.


Der gleiche Himmel (le même ciel) est le vrai titre de cette mini-série allemande de 2017, rediffusée récemment sur Arte. Quelle idée de rebaptiser la série Opération Roméo en français ?

Le titre allemand - repris en anglais : The same sky - insiste sur la proximité géographique des deux Allemagnes, pourtant si éloignées par leur régime politique et par leur référence idéologique mais aussi par leur mode de vie. La série reconstitue minutieusement d'ailleurs la vie quotidienne dans les dernières années de la RDA.

Quant à lui, le titre français Opération Roméo, insiste plutôt sur les activités d'espionnage de l'Est à l'Ouest, et, parmi elles, celles qui frappaient sous la ceinture. L'Allemagne de l'Est reculait devant peu de choses pour faire avancer la cause du socialisme réel.

Le format de la série est atypique : trois épisodes de 92 mn, puis scindés lors des diffusions ultérieures, soit six épisodes - seulement. On en redemanderait évidemment, mais on voit dans la série que les jours de la RDA étaient comptés. 

Le sentiment de fin de règne donne d'ailleurs à la série un sel tout particulier : faire comme si de rien n'était, en évitant de penser à la grande catastrophe, mais en y penser quand même...

On a dans l'esprit bien sûr aussi la série Deutschland 89, mais il fallait au moins deux séries pour décrire cette période incroyable, où le mur paraissant le plus solide d'Europe s'est effondré en une seule nuit. 

Rien à dire sur les acteurs, sur la narration, sur les décors et tant mieux, car l'ensemble doit être à la hauteur de l'Histoire qui est en train de s'écrire.


On signalera pour finir cette fois la très belle série Après, diffusée sur Arte aussi, mais produite par la télévision québécoise. Quelque part dans les Laurentides, une fusillade éclate dans le petit supermarché du bourg. Il ne s'agit pas de terrorisme - nous sommes loin de tout - mais d'une habitante bien connue, qui déjante et qui décide de tuer tout le monde. Alors qu'elle connaît tout le monde.

Connaissant un peu les types de relation très spécifiques, très proches, que l'on trouve spontanément entre personnes au Québec, on a été intéressé par le traitement de cet Après. De la belle fiction, mais si proche de l'authentique réalité humaine.

dimanche 11 octobre 2015

Sélection 2015







Voici la première sélection 2015, qui comprend la sélection de la quasi-totalité des images de l'année, à l'exception tout de fois d'un reportage en juin sur les Ardennes, sur les traces de l'abbé athée Meslier (et oui !), la bataille de Rocroi et celles de la principauté protestante de Sedan et de Bouillon... Mais ce sera pour la prochaine. Qui aura su tant d'histoire s'y trouve. 

Pour le reste, on retrouve des images de Stockholm et du Canada, mais beaucoup des monuments et mémoriaux de la première guerre mondiale, si nombreux dans notre territoire. Centenaire obligé.






dimanche 27 avril 2014

Natures pas si mortes




 


On en sait peu sur la photographe russe Marina Filatova, mais ses natures mortes valent un coup d’œil. Il s'agit bien de photographies, même si les frontières des genres sont brouillées, car on aurait pu les donner pour des toiles hyperréalistes. Rien de bouleversant au regard de l'histoire de l'art, certes, mais un beau travail de composition et de technique photographique.







lundi 21 octobre 2013

Athènes, fille aînée de Byzance



La glorieuse antiquité grecque, dont on visite les vestiges à Athènes, ne doit pas masquer le fait que la Grèce s'est aussi trouvée, pendant un millénaire complet, au cœur de l'Empire Byzantin. En clair, du développement du Christianisme côté oriental.

Le Musée byzantin et chrétien d'Athènes rend compte de cette histoire fabuleuse, alors que le Christianisme n'était pas encore en concurrence avec l'Islam, et que les fondamentaux de la religion chrétienne, dans sa version orthodoxe, s'inventaient. Et l'on apprend par exemple que Constantinople, la Ville de Constantin, Empereur d'Orient,devenue Istanbul, ne fut islamisée qu'au quinzième siècle. Si tard.

Ce musée a été rénové complètement et agrandi en 2004 et 2010, grâce à pas mal d'Euros européens, mais aussi sans doute de quelques roubles - solidarité orthodoxe oblige. Ouf il était temps : la crise grecque ne permettrait plus de telles réalisations, à l'évidence.

Mais quelle réussite ! Des espaces clairs, magnifiquement agencés, mettant en valeur un immense et fabuleux choix d'objets de toute catégorie. Relevons, parmi tant de choses, la signature originale d'un empereur d'orient. Mais aussi des bas reliefs des tous premiers siècles du christianisme représentant la scène de la nativité telle que nous la connaissons encore : la crèche, le bœuf, l'âne. Étonnante permanence de la représentation religieuse.

Et tant d'autres choses.

Malheureusement, comme l'indiquent les images - sans trucage aucun - ce musée est vide de visiteurs. On ne vient manifestement pas à Athènes pour visiter Byzance... et pourtant !




vendredi 9 décembre 2011

Bureaucratie


Projet photographique un peu foldingue comme on les aime : Jan Banning, photographe néerlandais d'origine indonésienne, a fait une très belle série sur les bureaux, dont voici une sélection. Le bureau, lieu de travail paperassier - o combien dans certaines images - est bien un univers à soi tout seul, très révélateur de la culture qui l'inspire. Un univers du chacun pour soi, accroché à son meuble qui le protège du monde et qui met à distance l'autre : le collègue, l'usager, le demandeur... Tous les clichés sont pris dans des administrations publiques.

Petite sélection parmi 68 beaux portraits, rapportés d'Inde, de France, des Etats-Unis, de Bolivie, du Nigéria, du Yémen, de Chine et de Russie.

Toutes les informations sur chaque image se trouvent sur le site de l'auteur (bandeau en haut de l'image en mode diaporama), y inclus... le salaire de chacun des personnages représentés. Grande leçon d'humilité.

Malgré un travail très important et très singulier, Jan Banning a très peu exposé en France, il sera à Sète pour le festival Images Singulières fin mai/début juin 2012. Il présente en ce moment ses beaux portraits d'immigrés, façonnés à la manière des peintres flamands, dans une galerie d'Amsterdam.